Le monstre n'est pas tapi au fond du lac :

il est en chacun de nous


8 janvier 2015, 15:52


Ce soir, je suis meurtrie. Triplement meurtrie. Au plan humain évidemment, en qualité d'ancienne journaliste ensuite et au titre de militante inconditionnelle de la liberté d'expression.

Vers 11h30 en ce jour du 7 janvier 2015, douze personnes ont été happées par une mort brutale dans les locaux de Charlie Hebdo. Douze personnes ont péri, sacrifiées sur l'autel du fanatisme religieux. Exécutées par des hommes qui se sont érigés à la fois en censeurs, en juges et en bourreaux.

De cela nous sommes tous responsables. Collectivement responsables. À chaque fois que nous fermons les yeux sur ce monde en pleine déliquescence estimant que les affaires humaines ne nous concernent pas. Un monde qui se fissure sous nos pieds alors que nous nous taisons face au mal, à la barbarie et à l'injustice.

 

 

Amalgame, trop souvent

 

Combien de fois ai-je entendu autour de moi ces phrases toutes faites : « Ah ces journalistes… Tous des vendus, tous les mêmes ! ». C'est aller trop vite en matière d'amalgame stupide et faire preuve d'une ignorance sans bornes concernant la réalité cruelle des faits et des chiffres. Pendant que ces personnes additionnaient les lieux communs comme d'autres enfilent des perles, 66 journalistes furent sauvagement assassinés, 11 collaborateurs et 19  Net-citoyens-journalistes furent tués en 2014 dans le cadre de leur métier.

Au moment où j'écris ces lignes, 220 journalistes croupissent dans les geôles des dictatures sévissant aux quatre coins du globe pendant que les philosophes de comptoirs sirotent l'apéro, le postérieur confortablement calé dans leurs fauteuils.

Alors, la prochaine fois que ces autoproclamés « grands spécialistes de l'information » auront l'envie soudaine d'ouvrir leurs clapets nauséeux pour émettre un avis d'expert sur la question, qu'ils aient l'honnêteté minimum de s'interroger afin de savoir s'ils accepteraient d'exposer leurs vies au bénéfice de l'information ou s'ils préféreraient garder leurs miches au chaud...

 

 

Le fléau des religions et des croyances

 

Mais quand donc s'achèvera cette ignoble et monstrueuse mascarade de la foi et des spiritualités avançant leurs pions sur l'échiquier de l'exclusion et de l'intolérance ? Le nom de Dieu a provoqué sur cette Terre plus de guerres et engendré plus d'horreurs que n'importe quel autre sujet d'affrontement. Que l'on croit en un Dieu tout puissant réclamant le sang des infidèles ou que l'on croit à des sauveurs galactiques, le même sectarisme nous guette car tous les systèmes de croyances procèdent tôt ou tard par éviction de l'autre. Cet autre, bouté hors du clan pour n'avoir pas adhéré à la syntaxe, aux rites, aux mythes et aux références érigées en valeur absolue.

Oui, nous sommes collectivement responsables… À chaque fois que nous sommes intimement convaincus que seule notre vision du monde, de Dieu et de l'univers est l'unique voie menant à la vérité. À chaque fois que nous nous accaparons le sel amer des événements pour venir fortifier notre grille de lecture et d'interprétation de la marche du monde.

Au final, je pense qu'un athéisme humaniste serait de loin plus salutaire et moins dangereux que n'importe quelle croyance dont les effets pervers amènent leurs marionnettes spirituelles à se croire des élus infusés de la Connaissance Universelle.

 

 

Quand sortirez-vous de l'illusion d'un monde meilleur ?

 

Depuis le mois de décembre, je ne cesse de lire et d'entendre que 2015 sera une année décisive, une année de transition vers l'avènement d'un Nouvel Âge d'Or. Nous avons ici l'exemple-même d'une vision obscurcie par le filtre des croyances personnelles, une vision parcellaire expurgée de solides connaissances en matière d'histoire, de sciences et de politique des états couplées à l'acquisition d'un savoir ésotérique puisé aux sources-mêmes de certaines traditions ancestrales.

Comme je le redoutais, l'attentat contre Charlie Hebdo donne le ton. Par le « ton » j'entends la tonalité des années à venir. À travers deux textes extraits de conférences publiques données en 2006 et en 2008, j'avais alors démontré les enjeux sous-jacents à l'évolution du monde et les différentes « forces » en présence, qu'elles soient énergétiques ou géopolitiques.

Que vous l'entendiez ou pas, que vous n'y perceviez qu'un unique son de cloche, la note-clé de l'année 2015 a retenti hier dans notre pays pour les années à venir, sonnant le glas de notre pseudo démocratie et posant pas à pas les fondations de la dictature mondiale à venir.

Or, ne vous y fiez pas ! Avec les condoléances qui pleuvent des quatre coins du monde occidental, se mettent en place les mesures d'observation et d'analyse. Dorénavant, nous sommes sous monitoring, scrutés dans nos moindres réactions, en tant que peuple. Sur le grand damier mondial, la France est aujourd'hui le rat de laboratoire, exactement comme le furent les États Unis après le 11 septembre 2001.

 

 

La question : à qui profite le crime ?

 

La question cruciale ici est de savoir comment museler un pays, comment mettre doucement un peuple à genoux, comment rassembler le troupeau épars afin que spontanément il se dirige de lui-même dans la direction souhaitée par nos gouvernants, comment au nom d'une pseudo unité rassembler les français, ce peuple cabotin si difficile à gouverner comme disait Charles de Gaulle…

Rien ne vaut l'électrochoc collectif, un événement emblématique, un acte si horrifiant qu'il fera spontanément descendre les gens dans la rue, au nom de la solidarité et de la fraternité.

Hier, alors que des personnes de cœur et de talent agonisaient, mouraient avec elles notre refus têtu de ne pas suivre la bien-pensance, notre droit à penser en dehors des lignes philosophiques admises.

Bravo ! Comment réussir ce tour de force incroyable en ces temps de crise où chaque camp retranché dans ses idéaux tire à vue sur l'autre camp… Comment faire d'une pierre deux coups : éliminer les derniers grands résistants insolents de la presse française et crier à l'unanimité du peuple français…

Nos gouvernants sont de grands spécialistes du billard à bandes : le massacre qui vient d’être commis alimente une stratégie de la tension et de la peur dont les éléments sont bien connus : fanatismes pseudo religieux, appels à un « choc des civilisations », privation des libertés publiques au prétexte fallacieux de garantir la sécurité de tous et de remporter la « guerre contre le terrorisme », uniformes et bruits de bottes à tous les carrefours avec le plan Vigipirate.

 

Non, je ne bêlerai pas avec les moutons d'où qu'ils soient, tenants fanatiques de la théorie du complot ou tenants aveugles de la grande fraternité mondiale à venir. Car, la vérité en ce monde est toujours plus grande que la somme des parties qui la composent et, par définition, inaccessible.

Le monstre n'est ni assis en haut de la pyramide reptilienne ni tapi au fond du lac : il attend l'heure du réveil, embusqué en chacun de nous.

 

 

Frédérique Ahond