À la recherche du Jumeau perdu…

 


Par l’énergie duelle et séparatrice des Gémeaux, polarisée sur le mode du Double et des Opposés, chaque être humain venant au monde perd la mémoire de sa filiation divine (en qualité d’entité spirituelle issue de l’Esprit) et de ses origines multidimentionnelles, sans pour autant être libéré de leur influence œuvrant sur d’autres dimensions à des niveaux subconscients.

 

Condamnés à la séparation dès leur naissance, la paire de jumeaux mythologiques qui donnèrent leur nom à ce signe astrologique léguèrent à l’humanité cette fracture originelle… 

Castor et sa jumelle Clytemnestre étaient nés d’un même œuf originel fécondé par Tyndare, roi de Sparte. Issus de la semence d’un mortel et appartenant au monde des hommes, ils étaient interdits de séjour dans l’Olympe.

Leur frère Pollux et sa jumelle Hélène étaient nés d’un même œuf originel fécondé par Zeus. Par essence engendrés du divin et immortels, ils étaient à ce titre admis de plein droit au banquet céleste.

 

À l’instar des enfants-jumeaux de la reine Léda, l’humanité rejoue encore et encore cet arrachement originel vécu comme une profonde injustice… Le mythe nous enseigne qu’en qualité d’âmes incarnées, nous sommes incomplets (UN-complet) puisque toute personnalité individualisée est « mono face » – un être ayant perdu sa moitié (féminine ou masculine) ; en tant qu’hommes nés de cette Terre, nous sommes symboliquement « interdits de banquet », la mémoire effacée, coupés de la partie céleste de notre filiation, porteurs inconscients de l’étrange nostalgie de nos origines extra-terrestres.

 

De façon viscérale, d’emblée l’homme se sent rejeté. Il refuse cette condamnation à l’exil intérieur…  Et pourtant, chacun de nous rejoue à l’infini cette rupture existentielle et accroît sa souffrance fondamentale en oblitérant le sentiment universel de division et en rejetant le drame de la solitude qui l’accompagne.

Nous nous lançons dans une quête éperdue, impossible, cherchant infatigablement cet « autre nous-même » susceptible de nous compléter… Nous déplaçons le curseur vers l’impossible réalisation de soi. Que nous parcourions  la planète du nord au sud et d’est en ouest, que nous explorions notre carte cérébrale dans tous les sens, la réalité derrière le voile des apparences est que nous cherchons désespérément notre jumeau terrestre et cosmique.

De livres en connaissances, de croyances en enseignements spirituels, nous poursuivons une chimère, n’ayant de cesse de nous sentir enfin unis, en harmonie avec nous-mêmes, faussement reliés à nos semblables qui ne sont alors que des supports d’incomplétude. Tous ces autres sur lesquels nous projetons inconsciemment nos peurs, nos manques, nos envies, etc. Tandis que, maintenu dans l’ombre, notre jumeau intérieur combat désespérément pour se sentir enfin unique, privilégié, trépignant de rage de n’être pas reconnu dans son statut d’enfant du divin…

 

Certes, nous pouvons intellectuellement appréhender ces concepts et entrevoir les rouages de cette propension du petit mental à vouloir établir sa suprématie tyrannique sur le monde qui l’entoure, mais cela ne suffit pas à enrayer les processus de projection et d’identification qui interviennent systématiquement au plan relationnel.

« Moi… Moi… Moi ! » clame l’ego qui, par les énergies Gémeaux duelles et séparatives, cherche à séduire, à manipuler, à contrôler, afin de garder coûte que coûte les compagnons de route par lesquels il pourrait se sentir enfin reconnu, réunifié. À la moindre friction, qu’elles soient intimes ou éphémères, ces relations réactivent le sentiment d’exclusion, de séparation et de rejet.

Dans ce contexte où le partenaire est un « objet d’attachement », cet Autre matérialise  l’Ombre en soi. L’Ombre en soi n’est que cette partie oubliée, obscurcie, incomprise, reniée. L’autre désigne cette part diamétralement opposée de l’être symboliquement duel (coupé en deux) dont nous avons nié l’existence intérieure. Ce « jumeau noir » tapi dans l’obscurité comme un pestiféré que nous n’avons pas osé affronter, que nous n’avons pas voulu regarder est un adversaire malheureux avec lequel toute réconciliation est impossible « tant que l’Ombre n’est pas mise en pleine Lumière ». Or, l’ombre n’est ténèbres effrayantes que par ignorance. Seuls l’amour et la connaissance ont le pouvoir de nous réunifier en nous libérant

Intimement séparé, l’homme cherche partout à quoi se raccrocher et n’a de cesse de trouver à qui s’unir. Unis jusqu’à ce que l’illusion se dissipe et que se manifeste la distance entre soi et l’autre. Commence alors l’aveuglement et les séances de replâtrage visant à maintenir un lien fictif servant à combler la douloureuse réalité de l’existence autonome et séparée de cet autre, une fois le mirage fusionnel évanoui.

 

Mais que cherche ainsi l’homme dans et à travers l’Autre ? À fuir la béance métaphysique, le vide existentiel, à refuser sa participation active consistant à agrandir le gouffre, à augmenter la séparation qu’il creuse chaque jour entre sa filiation divine et lui-même. Vivante et vibrante, la part spirituelle appelle de toutes ses forces en nous sa Source Cosmique qu’elle reconnaît intuitivement dans ses frères et sœurs en humanité… Mais l’ego se jette en travers, refusant cette évidence et voulant s’affirmer comme séparé, unique et différent.

Seule la Connaissance de la Coupure peut cicatriser la blessure originelle et apaiser la souffrance de l’isolement. Seule la joie d’être centré en soi a le pouvoir de nous réunifier. Si la Conscience Supérieure – l’Être Majuscule dont nous sommes issus – ne préexistait pas à la manifestation de l’ego, ce dernier – nécessaire à la cohésion de l’être incarné – ne serait jamais apparu. 

 

Centré, l’homme se perçoit enfin comme un entier constitué de deux parties, deux forces aux polarités opposées harmonieusement équilibrées. Il n’a plus rien à rejeter, plus rien à nier ou à préférer de sa propre manifestation : il reconnaît alors l’ego comme un jeu de la Conscience, un vêtement temporaire dont elle se pare.  En acceptant que les formations mentales soient la forge créatrice de la souffrance qu’il s’impose à chaque instant, l’homme est libre de choisir d’arrêter le jeu. Dès lors, il ne cherche plus de responsables à l’extérieur de lui, il ne rêve plus d’un hypothétique et merveilleux compagnon qui le préserverait pour toujours de la solitude… Il cesse de se torturer les méninges à la recherche d’une Origine extérieure à lui, toujours mentale et séparatrice de la Réalité Vivante.

 

L’amorce d’une possible libération émerge lorsque l’homme devient capable d’admettre que ses états de conscience ordinaires sont incapables de percevoir les enchaînements mentaux et psychologiques dont l’Ignorance fondamentale nous rend esclaves... Dans nos systèmes d'extrême valorisation de l’intellectualité et des processus intellectuels ordinaires, analytiques et productifs, il est éminemment difficile de faire comprendre à une personne fortement identifiée à ses acquis (en termes de savoirs et de connaissances) vécus comme une base fiable de sécurité que ses réflexes mentaux relèvent en réalité de la plus profonde ignorance et de la plus totale inconscience… Car celle-ci va se sentir immédiatement niée, dénigrée ou jugée. Pourtant, toute affirmation du savoir  comme valorisation personnelle égotique détruit toute capacité d’accéder à un niveau de conscience supérieur, différent, moins exclusif, plus ouvert et plus profond.

Bien qu’appartenant au monde phénoménal, dense, quantifiable et visible, atteindre la Conscience des Connaissances par laquelle établir un contact avec la Vie et développer une autre compréhension du monde qui nous entoure, relève du plan des corps subtils. Cette forme d’intelligence sensible est souple, adaptable, réceptive et mobile. Avec elle, l’être est sans cesse en mouvement… Il cherche, mais sans vouloir obstinément se reposer sur un savoir mort, figé sur des acquis temporaires érigés en certitudes définitives.


F.A.