Les réseaux sociaux dans l’ombre de Big Brother


Le grand déshabillage de l’insignifiance


L’indécence ne consiste pas à parler de sujets tabous ou choquant la soi-disant bienséance. L’indécence consiste à parler de soi et à se répandre dans la plus grande inconsistance.

La médiocrité érigée au rang de valeur sociale, voilà la grande réussite des réseaux sociaux !

Du mariage du cousin à la première couche du nouveau-né en passant par le dernier week-end à la campagne, le citoyen lambda se déboutonne et se déculotte en public dans un nouvel exercice d’écriture pornographique du quotidien, dans un style d’une affligeante banalité...

Hisser chacun sur le piédestal  sans relief de sa propre existence parvient à réaliser le tour de force de lui faire croire qu’il est une star en puissance, sous prétexte de remettre du lien social sur le Web... Voici la plus grande escroquerie des réseaux sociaux.

Mais leur plus grande victoire consiste dans un tour de passe-passe absolument phénoménal et infiniment pernicieux : en jouant sur notre narcissisme naturel et ce désir souvent inavoué de sortir de l’anonymat, ils sont  devenus la plus incroyable, la plus gigantesque base de données de renseignements individuels. Un système de fichage à l’échelon planétaire, librement consenti. Mieux : recherché, cultivé, régulièrement alimenté...



L’œil qui voit tout


Qui aurait cru il y a quelques années encore qu’un jour viendrait où les citoyens considéreraient comme une activité délectable d’exposer au yeux de tous les joies et les affres de leur quotidien ?

On comprend mieux pourquoi les RG (Renseignements Généraux) ont fusionné  avec la DTS (Direction de la Surveillance du Territoire) en juillet 2008, pour devenir la DCRI (Direction Centrale du Renseignement Intérieur), et former à ce titre le plus important service de renseignement intérieur français...

Pour tirer le portrait de leurs concitoyens, connaître leur parcours, leurs intérêts, leurs opinions et leurs allégeances, plus besoin d’envoyer des agents sur le terrain ! Il suffit désormais de se connecter sur Facebook, Twitter et Cie pour y jeter les filets de la surveillance dans ce formidable vivier. C’est ici que la réalité dépasse la fiction et que Big Brother nous observe en s’esclaffant de notre naïveté !

Ces réseaux sociaux sont en train de surpasser les rêves les plus fous des services secrets : tout savoir sur tout le monde, sans sérum de vérité et sans tortures...

Comme l’écrit magnifiquement Yann Moix, nous voyons agir à travers eux les outils invisibles mais terriblement efficaces « d’une dictature toute neuve, d’une dictature en quelque sorte contenue dans la démocratie. D’une dictature parfaitement consubstantielle à la démocratie. Il en va de même de Facebook, soyons lucides. Le rêve qu’entretenait la Stasi, dans l’Allemagne de l’Est de jadis, ou les services secrets roumains, russes, chinois, a été parfaitement réalisé par Facebook puisque Facebook est l’endroit, le lieu, LE site où tout le monde se livre – se livre à tous les sens du terme. Se confie, d’une part ; et d’autre part, se donne. Comme on se donne à la police. Mais la magie est là : tout le monde se livre et, pourtant, on n’a rien demandé à personne. L’État n’a rien demandé ; les États n’ont strictement rien exigé. Mais les gens se livrent, se donnent : ils révèlent sur eux leurs misérables, innombrables, infinis tas de secrets. La seule chose à laquelle les dictatures n’avaient pas pensé pour obtenir le maximum de renseignements sur les gens étaient donc celui-ci : la liberté. Chacun, sans y être obligé, installe sur son "mur" (ironie de l’appellation quand on se souvient du « Mur » de Berlin) des détails sur sa grossesse, ses vacances à Étretat, le goût de son œuf à la coque. La Stasi était contenue en chacun de nous, il suffisait de s’en aviser. »



Pirouette, cacahuète


Alors, de façon diablement intelligente, vous vous demanderez sûrement : « Mais que fait donc ici cette petite merdeuse donneuse de leçons ? »

Question parfaitement légitime, n'est-ce pas ? Pourquoi un profil sur Face de Bouc ?

J’y exerce une activité à but subversif en toute connaissance des causes et des conséquences probables. Avec lucidité, je me sers de cette Toile, tendue de façon insidieuse et suffisamment souple pour que nous, citoyens naïvement égocentrés, ne soyons pas conscients de notre participation joyeusement active et librement consentie à leur grille d’étiquetage.

Je m'amuse à faire vibrer la Toile sur l’air de « J’observe l’observateur »...

Big Brother is watching me but i watch it too !


F.A.